un nouvel espoir pour les pme

La crise a tout changé. L’an dernier, les mesures de la loi Tepa ont apporté plus de 1 milliard d’euros aux PME. Aujourd'hui, les investissements ISF semblent en passe de devenir leur principale source de capital. Mais pour vous, le moment est-il bien choisi pour investir ? Comment se garder des excès et des risques, parfois très élevés ? Ce blog, seul journal Web indépendant sur le sujet, veut vous aider à y voir clair.

lundi 22 décembre 2008

« Garantir que l’argent de l’ISF se tourne vers de véritables entreprises »

L'amendement Adnot à la loi de finances prévoit de limiter à 50 personnes le nombre d'associés aux holdings. Cela a fait polémique: business angels et conseils en investissements financiers se sont sentis bridés dans leurs développements futurs. Selon son créateur, les nouvelles dispositions auront au contraire pour effet de soutenir durablement le dispositif.

Jean Rognetta: Henri Emmanuelli a qualifié « d’obscène » le débat sur les holdings ISF pendant la crise. Quel est le véritable enjeu ?
Philippe Adnot : La conjoncture bancaire donne une importance nouvelle à ces dispositions, que l’on ne pouvait soupçonner quand j’ai proposé en 2007 d’étendre aux fonds intermédiés (FIP, FCPI, FCPR, holdings) les réductions d’ISF que la loi Tepa prévoyait pour l’investissement direct. C’est une nouvelle source de financement qui s’ouvre pour les PME alors que les autres se ferment. Mais il est crucial de s’assurer qu’elle aille bien vers les entreprises. Si l’on en fait simplement un produit financier, on fragilise l’ensemble du dispositif.

J.R. : Pourquoi ? Le gouvernement, pourtant, ne voulait rien toucher au dispositif…
Ph. A. : Nombre de lobbies importants se sont mis en place. Mais la situation serait vite devenue intenable. On voit déjà, par exemple, des holdings investir dans des fermes d’éoliennes, qui étaient intégralement financées par les banques et qui bénéficient d’un tarif de rachat spécial pour l’électricité qu’elles produisent. La rentabilité de tels projets ne vient que de l’empilement de subventions. Cela aurait remis en question, à terme, la pérennité de la mesure.

J.R. : Les business angels ne sortent-ils pas affaiblis de la réforme des holdings ?
Ph. A. : Bien au contraire ! La possibilité d’investir dans des holdings sans risque aurait pu assécher le marché. Pourquoi se tourner vers des start-up quand on peut protéger son investissement ? La loi de finances garantit que l’argent de l’ISF se tournera vers de véritables entreprises et elle préserve la capacité des business angels à se regrouper pour agir, tout en accueillant de nouveaux investisseurs en leur sein.

J.R. : Etes-vous favorable à l’amendement Forissier, qui prévoit d’imposer aux holdings d’investir à 60 % dans des entreprises de moins de cinq ans ?
Ph. A. : C’est une mesure qui va dans le même sens que l’amendement que nous avons voté au Sénat, qui prévoit de limiter le nombre d’associés d’une holding à 50 personnes et d’empêcher les clauses de sortie. Mais il me semble que l’obligation d’investir dans l’année est déjà assez forte sans que l’on ne restreigne encore l’utilisation des holdings.

Propos recueillis par Jean Rognetta

mercredi 17 décembre 2008

Loi de finances : ce dont il faut vraiment débattre

Que changeront les amendements apportés par la loi de finances aux investissements «Tepa ISF», qui permettent de déduire de l’ISF ses investissements dans les PME ? En 2009, rien, si ce n’est sans doute créer un effet d’aubaine sur certaines holdings. Ensuite…

Le gouvernement s’est résigné, lundi 15 au soir, à accepter l’amendement dit « Adnot », qui réforme le statut des holdings éligibles à la déduction de l’investissement ISF. Désormais approuvé par la Commission Mixte Paritaire (CMP) chargée d’harmoniser les versions de la loi de finances retenues par l’Assemblée et le Sénat, cet amendement impose trois contraintes aux holdings :
– n’accorder aucune garantie en capital ni aucun mécanisme automatique de sortie ;
– compter au maximum cinquante associés ;
– être gérée par une personne physique.
Il ne sera effectif que pour l’ISF 2009, déclarée le 15 juin 2010. D’ici là, les holdings visées se trouvent donc confortées dans leur collecte. "Maintenant ou jamais"...

Par la suite, la loi imposera donc de prendre plus de risques à ceux qui bénéficient du plus fort taux de réduction (75 % dans la limite d’un maximum de 50 000 euros). L’Assemblée Nationale propose d’aller plus loin encore. En adoptant un amendement déposé par Nicolas Forissier pour le projet de loi de finances rectificatif, elle veut imposer aux holdings de s’investir dans des entreprises de moins de cinq ans à hauteur de 60 % au minimum. Le projet rectificatif sera examiné demain par le Sénat puis en CMP lundi.

Dans les deux cas, quatre points me semblent devoir être discutés :
1- les business angels se trouvent confortés dans leur position de bénéficiaires potentiels de la loi Tepa. Ils pourraient de facto se voir réserver – ou quasiment – la possibilité de monter des holdings. Sauront-ils saisir l'occasion ?
2- Les investisseurs en capital se trouveront-ils eux incités à proposer des investissements moins risqués pour compenser la moindre incitation fiscale ?
3- Si les holdings ne sont plus sujettes à la règlementation de l’appel public à l’épargne, restent-elles des produits financiers sous la compétence de l’AMF ?
4- last but not least: ces amendements éliminent-ils l'insécurité juridique sur les holdings?

J.R.

Lettre ouverte à Madame Idrac sur la loi TEPA, l'investissement dans les PME et les récents amendements Adnot

J'ai reçu le 13 décembre, et je publie avec quelque retard, la lettre ouverte que voici. Je ne partage pas toutes les analyses de Frédéric Ventre, bien au contraire (une partie des miennes se trouve ici). Mais l'auteur donne voix à des positions qui ont été assez fréquentes pendant le débat de ces derniers jours ; je regrette de ne pas l'avoir repris auparavant. L'erreur est réparée.


Madame le Secrétaire d'Etat,


Il faut croire que nos Sénateurs, du moins ceux qui ont soutenu puis voté à l'unanimité les amendements Adnot du 9 décembre 2008, ne voient dans les fonds d'investissement et leurs gestionnaires que des avantages et nient tout intérêt aux holdings ISF (cf. le compte rendu intégral du débat parlementaire).

Mettons de côté les holdings des sociétés 123 Venture et Audacia (Charles Beigbeder), dont les montages criticables n'appellent a priori aucune indulgence de la part de Bercy (cf. réponse de Mme Lagarde à Monsieur le Sénateur Adnot de juillet 2008), puisqu'ils confèrent au soi-disant investisseur en fonds propres une confortable position de prêteur de deniers.

Force est de constater que :

1° les holdings ISF doivent investir 90% de leur actif dans des PME éligibles, alors que les fonds fixent eux-mêmes le pourcentage à atteindre, en général compris entre 60 et 80 %

2° si elles respectent la lettre et l'esprit de la loi, les holdings ne peuvent sans faire appel public à l'épargne lever des dizaines de millions d'euros : 99 associés x 60 k€ = 6 M€ maximum par an, maximum très théorique puisque tous leurs investisseurs ne sont pas redevables de plus de 70 000 euros d'ISF ; la collecte de fonds est d'ailleurs très encadrée puisque l'AMF a rappelé qu'en aucun cas leurs titres ne pouvaient donner lieu à démarchage (à peine de sanctions pénales)

3° alors que les FIP et FCPI ont pratiquement 18 mois pour réinvestir les fonds levés... les holdings doivent s'organiser pour réinvestir le maximum possible de leurs fonds dans un minimum de temps : leur collecte est immédiatement productive pour nos PME

4° les fonds sont gérés par des professionnels de la finance, dont on sait les mérites, cf. la crise financière actuelle ; les holdings ISF, du moins celles qui respectent la lettre et l'esprit de la loi, sont le plus souvent constituées de chefs d'entreprise en exercice, ou fraîchement retraitées, ou de business angels capables d'épauler les dirigeants des PME cibles des investissements (cf. la holding ISAI www.isai.fr , par exemple)

5° les FIP et les FCPI sont filiales de banques ou d'assureurs, ou dépendent de structures d'investissement qui n'ont ni l'habitude, ni les ressources, ni le modèle économique, ni l'envie nécessaires et suffisants pour adresser des besoins en fonds propres de quelques dizaines de milliers d'euros. Combien de fonds affichent des tickets inférieurs à 500 k€ ? 300 k€ ? Pratiquement aucun. Du fait de la modicité de leur capital et de l'impérieuse nécessité de diversifier leur portefeuille, les holdings sont parfaitement calibrées pour cibler ces montants d'investissement.

6° les FIP et les FCPI ISF monnayent chèrement l'avantage qu'ils procurent aux investisseurs puisqu'ils pratiquent tous plus ou moins 5% de droit d'entrée + 3 à 4 % de frais de gestion par an, pendant 8 à 10 ans ; comprendre : la part non investie dans les PME éligibles (cf. 1° ci-dessus) est là pour rémunérer *** sans le moindre aléa *** les équipes de gestion. Les holdings ne peuvent pratiquer ces tarifs du fait même qu'elles doivent réinvestir la quasi-totalité des fonds levés et le faire en respectant un timing très serré.

7° les FIP ISF cultivent pour la plupart la proximité depuis Paris (pour rappel : les FIP doivent investir dans 4 régions limitrophes et rares sont les sociétés de gestion qui se privent de l'IdF)... Combien de FIP sont à même de draîner des capitaux vers les régions non limitrophes de l'IdF (Aquitaine, Midi-Pyrénées, PACA...) ?

8° les FCPI ISF sont tenus d'investir dans des sociétés labellisées ANVAR, dont le caractère innovant est forcément technologique... Combien de PME sont-elles concernées ? Celles-ci sont-elles les seules à créer de la richesse, de l'emploi et de la compétitivité ? L'innovation, l'avantage concurrentiel, se loge parfois dans la façon de traiter la relation client, dans la façon de "faire tourner" les actifs plus efficacement... Avec l'amendement Adnot, l'astuce (puisqu'il ne s'agit pas d'innovation au sens ANVAR du terme) n'est plus guère finançable.

9° sans la concurrence des holdings, et avec la limite des 25 associés, les fonds qui avaient déjà draîné plus de 80 % de la manne au titre de la première collecte achevée mi-juin 2008, vont "truster" l'essentiel des sommes éligibles au dispositif : l'investissement en direct n'est pas une voie facile ni pour le contribuable ISF, ni pour la PME éligible, car les redevables ISF ont intérêt à diversifier leurs investissements, tandis que les PME n'ont guère à gagner à multiplier les petits investisseurs à leur tour de table...

10° l'investisseur d'une holding ressortit au droit des sociétés, il développe un "esprit club", participe aux AG, s'implique dans la vie de la holding, etc. ce n'est pas du tout vrai des fonds, qui relèvent du droit des obligations et dont les règlements ne donnent guère de droits à leurs bailleurs de fonds.

L'amendement Adnot ne résoudra pas l' "equity gap" Français.

Pas plus qu'il mettra un terme aux "montages de copains" rendus possibles à la suite d'amendements parlementaires plus anciens qui ont autorisé l'investissement dans des entreprises contrôlées par les redevables eux-mêmes.

Mais l'amendement Adnot va à coup sûr priver nombre de PME basées dans des régions non limitrophes de Paris de capitaux indispensables à leur développement, sinon à leur survie.

Les holdings avaient tout pour devenir de facto le véritable véhicule d'investissement de proximité dont les PME françaises ont besoin.

Il suffisait de mettre un terme aux agissements de celles qui dévoient ostensiblement la loi et de durcir le corpus de conditions encadrant l'éligibilité des cibles.

Merci Madame Idrac d'avoir eu le courage et la clairvoyance de vous opposer, au nom du gouvernenement, à cet amendement inique.



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Frédéric Ventre
consultant financier indépendant (www.fintesis.com)