un nouvel espoir pour les pme

La crise a tout changé. L’an dernier, les mesures de la loi Tepa ont apporté plus de 1 milliard d’euros aux PME. Aujourd'hui, les investissements ISF semblent en passe de devenir leur principale source de capital. Mais pour vous, le moment est-il bien choisi pour investir ? Comment se garder des excès et des risques, parfois très élevés ? Ce blog, seul journal Web indépendant sur le sujet, veut vous aider à y voir clair.

mercredi 7 octobre 2009

PME : les Français préfèrent l’impôt

Qu’aimez-vous mieux ? 1/Payer mille euros d’ISF ? 2/Acheter des actions de PME d’une valeur de mille euros avec 75 % de réduction ? 3/Jouer au loto en misant 1300€ ? Ou comment ne pas passer à côté du potentiel des mesures ISF PME.

« A la différence des grands groupes, chaque euro investi dans le renforcement des fonds propres [des PME] est un euro investi dans l’emploi en France » analysait, lundi, le Président de la République en annonçant le plan de soutien aux PME. En passant, il a réaffirmé son soutien à la mesure dite ISF PME : « Des ressources existent. Il est désormais possible d’affecter une partie de son ISF au renforcement des fonds propres des PME. Quel scandale quand j’ai annoncé cette mesure ! [Or,] c’est un immense succès. 930 millions ont été levés au titre de la campagne 2008 : près d’un milliard d’euros… » Le milliard a de nouveau été frôlé en 2009, mais le « succès » reste bien en deçà de son potentiel.
Mi-juillet, le ministère du Budget a rendu public le premier bilan de la campagne ISF 2009 (*). Le résultat est surprenant : quatre foyers redevables sur cinq ont préféré payer l’impôt plutôt qu’investir dans une PME. Le nombre de foyers qui ont demandé à bénéficier des nouvelles mesures croît de 11%, à 102 000. Mais ils restent peu nombreux : moins d’un cinquième des 539 000 foyers assujettis à l’ISF (19% exactement). En 2008, alors que le marché n’avait eu que quelques semaines pour s’organiser, ils étaient quasiment le même nombre : 92000, soit 17 % des 548000 foyers assujettis. Au total, ils bénéficient de 718 millions d’euros de réductions d’impôts (+9,45%) : en moyenne un peu plus de 7000€, quasiment la même somme qu’en 2008. Cela devrait générer la même quantité d’investissements que l’année dernière : environ un milliard d’euros (**). L’Etat collecte trois fois plus d’argent : 3,1 milliards d’euros.
Les fonds français de capital-risque et de capital-développement qui font appel aux marchés internationaux n’ont réuni, eux, que 500 millions d’euros environ cette année. Sans conteste, le dispositif ISF a donc été la principale source d’argent frais pour les PME en 2009. Il ne compense pas entièrement la crise : en 2007, les investisseurs financiers avaient collecté, en 2007, environ 2 milliards. Mais il l’atténue considérablement. Si son potentiel ne restait pas largement inexploité, la loi Tepa pourrait donc constituer une chance historique. Les fonds disponibles pour le capital-risque et le capital-développement pourraient au augmenter en France alors qu’ils se contractent partout dans le monde,. « De 100 milliards de dollars en 2000, l’argent destiné au capital-risque s’est réduit à 12 milliards cette année » estimait par exemple hier Alex Vieux, lors de la conférence ETRE.
Si deux tiers de l’ISF s’étaient destinés aux PME, cela aurait généré cette année de 3 milliards à 8 milliards d’euros pour les PME, selon le « levier » fiscal (plus réduit dans le cas des holdings et des investissements directs). Mais voilà : les Français préfèrent payer l’ISF. D’où peut venir cette curieuse appétence pour un impôt qu’on présentait comme le plus impopulaire de France ? Et comment y remédier ?

Excluons tout d’abord l’aversion au risque. Avec une incitation fiscale de 75%, la plus importante de l’arsenal juridique, on peut aussi difficilement penser qu’il s’agit de frilosité. Que préféreriez-vous ? Acheter pour 1300 euros de billets de loto ou payer 1000 euros d’impôts ? Certes, un taux si élevé peut aussi dissuader de prendre des risques. A condition de retrouver sa mise après la durée de conservation nécessaire (cinq ans), l’avantage fiscal suffit à garantir une bonne rentabilité : ainsi s’explique, sans doute, le succès des holdings d’Audacia et 123 Venture, considérées peu risquées. Mais ces véhicules ont attiré moins de 150 millions d’euros.
Le mystère ne fait donc s’épaissir : 437000 foyers français ont préféré payer chacun, en moyenne, 7162,5 euros à l’Etat, plutôt que d’investir 9549,97 euros dans des PME ou des holdings, avec la possibilité de voir cette épargne fructifier en prenant relativement peu de risques. Voici quatre pistes pour l’éclaircir.

Premier indice : l’insécurité juridique favorise l’inertie. « Bien des souscripteurs potentiels ont préféré payer l’impôt que risquer un contrôle fiscal » analyse Robert de Vogüé, fondateur d’Arkeon Finance, une société de Bourse qui, pour son compte propre ou comme placeur de holdings, s’est imposée comme l’un des principaux acteurs du marché. Outre la polémique qui a touché certains holdings, l’insécurité semble très réelle en matière d’appel public à l’épargne. A quelles conditions une PME non cotée peut-elle rendre publique sa future augmentation de capital ? Qui serait responsable d’un abus de droit ? Qui réussit vraiment à comprendre, d’ailleurs, ces normes juridiques formidablement complexes ? Et qu’est-ce que c’est que ces holdings, dont le régime change chaque année ? Et qui vous dit que cette PME va savoir organiser son augmentation de capital ? Etc. La peur d’un contrôle fiscal semble parfaitement compréhensible.

Deuxième indice : la mauvaise image des instruments de défiscalisation. Il ne faut pas sous-estimer le mauvais souvenir qu’ont laissé les précédentes initiatives de défiscalisation, à partir de la loi Pons. Certes, de l’assurance-vie à la plupart des produits immobiliers, l’avantage fiscal a structuré la plupart des produits d’épargne en France. Mais il est resté à l’esprit de nombreux particuliers un peu fortunés que, quitte à faire une croix sur son argent, il est plus simple et honorable de le donner à l’Etat que de financer des projets aventureux en s’exposant à de multiples tracasseries administratives.

Troisième indice : la difficulté à trouver des occasions d’investissement. Empiriquement, il semble que l’essentiel des investissements directs provienne de chefs d’entreprises qui misent sur leur propre société ou d’investissement sur des firmes de la famille de l’assujetti ISF. Il reste donc, peut-être en grand nombre, des bonnes volontés qui n’ont pas su, ou pu, trouver des PME ou des intermédiaires.
La limitation des holdings à partir de cette année ne fera que raréfier l’offre. Les conseils des contribuables, banques ou conseillers en gestion de patrimoine (CGP), sont rarement prêts à proposer l’investissement direct dans une PME. « Nous avons eu une demande de formation sur les fonds ISF, mais elle se tourne désormais surtout vers la prévoyance et la retraite » témoigne Christophe Vanhuyse, qui dirige Cardif, une « plate-forme » de CGP filiale de BNP Paribas.

Quatrième indice : la rentabilité attendue. « L’an dernier, les souscripteurs étaient tellement convaincus qu’ils allaient tout perdre qu’ils refusaient même d’investir les 30% nécessaires pour supprimer leur ISF » rappelle un opérateur. Il n’y a pas en effet que la défiscalisation qui a mauvaise réputation : les PME apparaissent également comme un investissement non rentable.
Les FIP et les FCPI ne sont pas ressentis comme un placement attractif : ils ne proposent, en moyenne, que 35% d’économies d’impôt contre 75% pour l’investissement direct. Leur part de la collecte décroît (cf. graphique). Les holdings, si le droit ne change pas à nouveau, seront limitées dans leur collecte. Quant à l’investissement direct, la possibilité que les PME qui ouvrent leur capital ne soient que des véhicules ad hoc, comme l’ont été en leur temps les projets hôteliers outre-mer, ne peut que renforcer la méfiance des souscripteurs.
Rares sont les mécanismes qui sélectionnent les PME selon leur potentiel. Les banques et les CGP ne sont pas structurées pour proposer, sur une grande échelle, des investissements directs à leurs clients. Ceux qui existent doivent encore trouver leur manière de communiquer avec le public à grande échelle.

Un nouveau marché commence en effet à se dessiner, avec des pionniers comme Arkeon, Audacia et la Financière de Fonds Privés. Arkeon organise des augmentations de capital de sociétés qui se cotent, en cas de succès, sur le Marché Libre, assurant ainsi une certaine transparence pour le souscripteur. Audacia, pour sa part, a obtenu l’agrément de l’AMF pour collecter des mandats de gestion qu’elle investit ensuite dans des PME pour le compte de ses clients. Avec le temps, il est probable que la place financière se structurera pour sélectionner les meilleures entreprises et les proposer au public des épargnants fortunés. Mais il y faudra quelques années encore.

Et c’est ici que le politique peut jouer un rôle crucial. Lui seul peut en effet imposer un régime juridique stable. Lui seul peut montrer qu’investir dans une PME peut être un acte de civisme tout en ayant une rationalité économique. S’il naît, à la faveur de la loi Tepa, un mécanisme de financement puissamment doté qui se concentre sur les entreprises à fort potentiel, alors le panorama des PME en France peut changer radicalement. Nicolas Sarkozy rappelait lundi que les PME en France ne grandissent pas : d’après lui, il n’y a que 460 entreprises de taille intermédiaire en France (de 250 à 5000 salariés).
Deux milliards d’euros de subventions n’auront qu’un effet marginal sur cette faiblesse structurelle de l’Hexagone, qui le distingue de ses voisins allemand et italien. En revanche, le dispositif ISF PME peut donner les moyens à des centaines d’autres sociétés d’atteindre ce seuil. Mais il est nécessaire que la future loi de finances favorise l’adoption des mesures ISF PME et qu’un mécanisme de marché clair soit mis en place pour éviter la dispersion des investissements. Encore un effort, monsieur le Président.
J.R.



(*) Le communiqué de l’an dernier sur la campagne 2008 est ici.

(**) les chiffres provisoires dénombrent des investissements directs pour 520 millions d’euros et indirects, via des holdings ou des fonds, pour 440 millions. Comme en 2008, les résultats de Bercy sont pas cohérents avec les études menées, indépendamment, par Capital Finance et par l’Afic, qui s’appuient sur les déclarations des gérants.

Proposition de loi Arthuis, II : le mirage de vouloir accélérer l’investissement

Avant l’été, le Sénat a adopté une proposition de loi, dite Arthuis, qui prévoit, notamment, de réduire les délais d’investissement des fonds ISF. On ne peut se défaire de l’impression que cela procède d’une incompréhension profonde des mécanismes de financement des PME. Cela dit, ce qui compte, c’est la politique…

Voici tout d’abord un simple problème de robinets. Soit S la somme que les épargnants sont disposés à confier à des investisseurs. Soit T le temps dont ceux-ci disposent pour la placer – ici, participer à des augmentations de capital de PME pour une part comprise entre 60% et 100%. I = pS: l’investissement I est égale à une part p de S. Enfin, soit σ le stock de capital dont disposent les investisseurs, lui-même fonction de S et T. Que se passe-t-il si on réduit le temps T par la loi ?

Réponse simple : rien.
Pour être précis, si la réduction de T s’applique au stock σ, alors I augmentera le temps T1 que σ soit investi. Puis, nécessairement, S revient à la normale et, conséquemment, I. Les fonds investis dans les PME dépendent de la propension des épargnants à choisir ce placement, pas du temps que les intermédiaires mettent à choisir les cibles.
Autrement dit, pour citer un analyste : « L’année qui suit la décision de réduire la période d’investissement des fonds, [il se ] crée un effet d’aubaine, suivi dès l’année qui suit d’un effet inverse. Au bout de deux ans, le niveau d’investissement moyen sur une année donnée redevient exactement équivalent à ce qui était constaté l’année d’avant la réduction de la période d’investissement. Le montant à investir dans les PME françaises ne varie pas. »

La proposition de loi Arthuis affiche deux objectifs : augmenter l’argent disponible pour les PME (S) et réguler des frais de gestion et de distribution ressentis comme excessifs. Pour cela, on dispose de deux options seulement.
Le législateur peut directement augmenter S, car celle-ci dépend d’une incitation fiscale : 25% de la somme investie peut être déduite de l’impôt sur le revenu, 35% environ de l’ISF. L’investissement direct, lui, bénéficie d’une incitation fiscale à hauteur de 75% de l’ISF. Pour bénéficier de la réduction fiscale d’un FIP ou d’un FCPI, un épargnant est donc contraint d’investir trois à quatre fois la somme épargnée. Ce qui a un effet dissuasif, notamment sur les petits épargnants. La marge existe donc pour augmenter S.
Mais cette option n’a pas été choisie par le sénateur Arthuis.

Le législateur peut aussi augmenter p. A dire vrai, la plupart des FIP et FCPI ISF prévoient en effet d’investir dans des PME 70 % de leur montant, alors que la loi prévoit un minimum de 60 %. Cela leur permet d’offrir une réduction plus importante à leurs souscripteurs. Le solde sert, pour l’essentiel, à rémunérer les frais de gestion et de distribution. Si l’on porte le seuil minimum d’investissement dans les PME à 75%, par exemple, on obtient un double effet : on augmente immédiatement I et on réduit la trésorerie disponible pour les frais. Si cela reste relativement mineur pour les fonds ISF, les conséquences seraient majeures pour les FIP et FCPI basés sur l’impôt sur le revenu, qui investissent rarement au-delà de 60%. Cela créerait, il est vrai, un problème pour ceux qui consacrent le solde de 40% au refinancement de leurs lignes. Mais il s’agit là d’une minorité et, si le temps T est suffisamment long, cela ne gênerait pas cette stratégie d’investissement (cf. ci-dessous) : au contraire, cela inciterait le reste du marché à suivre cet exemple.
Quoi qu’il en soit, cette option n’a pas non plus été choisie par le Sénat, qui préfère réduire le délai d’investissement T et confier à Bercy le soin de réguler les frais de gestion. Une mesure qui semble relever du pur effet d’annonce : en temps de crise, l’argent ne doit pas dormir dans les poches des financiers, voyez-vous…
Or, les conséquences dommageables d’une telle mesure n’ont pas été évaluées. Voici les 3 principales.

1. Dispersion. Le temps consacré à l’investissement permet d’étudier les sociétés où le fonds investit et de négocier la valeur d’investissement pour protéger les intérêts du souscripteur. Plus précisément, le délai de 4 à 6 mois environ que l’on observe se répartit en trois phases : l’analyse de la société par l’investisseur, la négociation et la vérification par des audits externes. Le comportement de l’investisseur rappelle celui du dirigeant d’entreprise qui recherche puis effectue une acquisition. Et tout comme pour une acquisition, le vrai travail commence ensuite : l’intégration de la cible dans le cas du M&A et le développement de la société pour le capital-investissement.
On observera que, dans le cas de l’investissement direct ISF, non intermédié et concentré sur les premières semaines de juin, tous cela se réduit à sa plus simple expression. Or, les épargnants ne sont pas les seuls à bénéficier de ce travail. La concentration de l’investissement dans un nombre réduit d’entreprises à potentiel représente la meilleure garantie que le dispositif renforcera le tissu de PME en France et ne se dispersera pas dans une multitude de petits projets qui n’auraient pas vu le jour sans l’avantage fiscal. La sélectivité vaut mieux que le saupoudrage.

2. Volatilité. De manière moins intuitive, le délai d’investissement influence également le taux de mortalité des jeunes pousses et le choix entre capital-risque et capital-développement. En effet, les gérants ne peuvent utiliser de nouveaux FIP ou FCPI pour réinvestir dans des start-up, car les souscripteurs sont différents. Cela générerait des conflits d’intérêts, notamment lorsqu’il s’agit de rendre liquide la participation dans la société (les prix de revient et les délais de conservation sont différents selon les fonds). Alors qu’un fonds peut avoir intérêt à vendre, un autre peut avoir un intérêt opposé. En conséquence, le refinancement d’une société pour faire face à la crise fait appel, pour l’essentiel, au fonds qui a investi chez elle. Raccourcissez le délai d’investissement et vous augmentez la probabilité qu’un investisseur soucieux de l’argent de ses souscripteurs préfère ne pas exposer le fonds dans une société dont le niveau de risque devient trop important par rapport à ses objectifs de retour sur investissement.
En outre, en diminuant les frais, on diminue la taille des équipes. Cela induira les gérants à lever des FIP et des FCPI d’un montant plus réduit, plus facile à gérer. Les possibilités de refinancement se réduiront en proportion.
Résultat : les modèles économiques déficitaires pendant les premières années (les start-up du capital-risque) deviennent moins plus difficiles à financer. Et en cas de trou d’air, les chances qu’une PME puisse compter sur ses investisseurs s’amenuiseront encore.

3. Perte de savoir-faire. Quelques chiffres, pour commencer. Les FCPI ont été créés en 1997 et les FIP en 2003. Ce dispositif a donné naissance à une trentaine de gérants spécialisés qui correspondent à peu près à la moitié du capital-risque en France et une part croissante du capital-développement (*) : le montant est plus difficile à estimer, mais il semble être de l’ordre du tiers des investissements dans les PME rentables. La collecte a commencé à se réduire fin 2008 et la tendance semble destinée à se confirmer, accélérant la contraction des sommes disponibles en capital-investissement. La proposition de loi Arthuis devrait avoir pour effet d’accélérer le phénomène, du fait des gérants (s’ils limitent la taille de leurs fonds à ce qu’ils peuvent investir) ou des souscripteurs.
Les résultats des FCPI s’étagent d’une plus-value de 50% (générant un retour de 12% par an avantage fiscal compris) à une perte quasi-totale : certains FCPI font état d’une perte de valeur de 97%, 11 ans après leur création. Un marché est en train de se créer, qui a déjà poussé vers la sortie les gérants qui présentaient les plus mauvais résultats.
La proposition de loi Arthuis aurait le résultat exactement inverse. En ôtant aux équipes le temps de choisir les meilleurs investissements et la possibilité de les soutenir en cas de crise, elle incite les gérants à reverser mécaniquement les sommes collectées. La solution pour les gérants, bien sûr, consistera à investir dans des sociétés cotées, plus matures et fournissant plus aisément des chiffres audités et des valorisations assises sur le marché. Cela pourra, peut-être, protéger les souscripteurs. Mais sur le métier, difficile, d’investir dans les entreprises non cotées, la proposition de loi Arthuis provoquera, si elle passe, une perte de compétences. En private equity, la mauvaise monnaie chassera la bonne.

Peut-être était-ce d’ailleurs le but initial de la proposition de loi Arthuis, qui comprenait un article (contraire au droit communautaire) qui voulait étendre le dispositif aux « établissements de taille intermédiaire », de plus de 250 salariés. Mais peu importe : qu’elle tombe dans l’oubli, qu’elle soit reprise par l’Assemblée ou qu’elle trouve son chemin par voie d’amendements dans la loi de finance, cette proposition de loi est significative d’un climat politique. Celui qui attribue au « monde financier », sans distinguer plus loin, la responsabilité de la crise et qui cherche la solution dans la « désintermédiation ».
Quels qu’en soient les mérites et les travers intellectuels, ce rapport direct entre l’épargnant et l’entrepreneur se développera inévitablement, ne fût-ce qu’à cause la volonté affichée lundi dernier encore par le Président de la République. Encore faut-il ne pas laisser la démagogie en cacher les risques.
J.R.


(*) Pour être précis, d’après une étude Afic/Grant Thornton, en 2008, les investissements des FCPI ont représenté 448 millions d’euros et ceux des FIP 252M€. En 2007, les FCPI ont investi 421M€ et les FIP seulement 98M€. Cela correspond à l’augmentation des fonds levés, qui s’est poursuivie jusqu’à la mi-2008. Les fonds levés par les FCPI en 2008 s’élèvent à 617M€ (sur 51 fonds) contre 779M€ en 2007 (sur 40 fonds). Les fonds levés par les FIP en 2008 s’élèvent à 559M€ (sur 52 fonds) contre 374M€ en 2007 (sur 28 fonds). Les montants collectés totaux s’élèvent ainsi à 1,28 milliard d’euros en 2008, pour un objectif d’investissement de 60% représentant 765M€. Ce taux était de 75% en 2007 (1,15Md€ collecté, objectif d’investissement de 692M€, montants investis de 519M€).

mardi 7 juillet 2009

Les problèmes de la proposition de loi Arthuis, I : les frais de gestion

La profession des investisseurs est sur le pied de guerre. De nouvelles règles menacent de compromettre gravement leur travail, si elles sont adoptées à la rentrée par l’Assemblée. Au-delà de cette initiative du sénateur centriste Jean Arthuis, la méfiance populiste contre les financiers menace de battre en brèche l'idée même d’une «intermédiation»: l'investissement par des professionnels. Premier volet d’une analyse approfondie.

La proposition de loi Arthuis, votée lundi 29 juin par le Sénat, propose essentiellement deux mesures : la régulation des frais de gestion et la réduction du délai d’investissement. Elles semblent bien innocentes... en apparence seulement.
En plafonnant le montant des frais et des commissions à un arrêté du ministre de l’Economie, la proposition de loi nage dans le sens du courant : elle réclame plus de régulation, plus d’Etat. Et elle évite le fond du problème.
Indéniablement, les fonds de capital-risque et de capital-développement sont chers: les équipes de gestion prélèvent des frais de l’ordre de 2,5 % par an et un intéressement important, généralement 20 % des plus-values. Les fonds pour le grand public – FIP, FCPI, holdings ISF – se voient en outre grevés par la distribution, qui impose des droits d’entrée jusqu’à 5 % et des rétro-commissions qui augmentent à 3,5 % environ les frais de gestion. Sur un fonds de 8 à 10 ans, cela place la rémunération des distributeurs dans une fourchette de 10 % à 15 % du montant nominal du fonds, contre 20 % à 25 % de l’actif net pour les gérants. La plupart des holdings ISF ont mis au point divers mécanismes qui tendent au même résultat.
Pire, les fonds sont trop peu transparents et l'indépendance des distributeurs, souvent douteuse. S’inspirant des pratiques des FCPR réservés aux institutionnels – desservis par leur passion du secret –, les gérants de fonds grand public ne communiquent guère sur leurs frais (et encore moins sur les marges arrières qu’ils consentent à la distribution). Le marché se focalise sur les performances passées de l’équipe et non sur la structure du produit présenté au client, hormis son levier fiscal. Offre-t-il à ses souscripteurs un hurdle, un revenu prioritaire minimum ? quels sont ses frais totaux ? quelle est sa stratégie d’investissement ? comment le distributeur est-il rémunéré par le fonds ? Des questions que l’on aborde trop rarement.
Dans ce contexte, quelle pourra être l’efficacité d’un plafond imposé par Bercy?—Aucune, si ce n’est qu’il incitera les meilleurs professionnels à quitter le marché sans que ne soient abordées les questions de fond. En effet, dans un marché qui se contracte, les gérants dépendent plus que jamais de la distribution. Seuls les mieux implantés ont réussi à lever des fonds conséquents cette année. Les gérants seront donc amenés à absorber sur leurs marges un éventuel plafonnement : leur capacité à attirer des investisseurs de talent et à choisir les bons investissements sera réduite d'autant.
Si on avait réellement voulu protéger les souscripteurs contre des frais abusifs, il aurait suffi d’imposer une réelle transparence au marché. On aurait pu, pourquoi pas, interdire les rétro-commissions ou orienter la rémunération des équipes des gestions vers les plus-values qu’elles doivent créer. Mais fixer un prix plafond, indépendant de la prestation fournie ? Il est très étonnant de voir un libéral préférer que l’Etat fixe le prix de la baguette plutôt qu’ouvrir les boulangers à la concurrence. Et si ce n'était que cela...
J.R.

A suivre : le mirage d’une accélération de l’investissement