Par Philippe ADNOT, sénateur et Président du Conseil Général de l’Aube
Secrétaire de la Commission des Finances du Sénat
J’ai milité, alors, pour que cette mesure soit aussi possible via l’intermédiation de Fonds d’Investissement de Proximité (FIP) car j’étais persuadé qu’il était nécessaire de créer la rencontre entre les entreprises ayant un projet de développement jugé crédible par des professionnels, et certains contribuables ISF culturellement moins enclins à l’investissement direct.
Après quelques péripéties, cette alternative a été acceptée et élargie aux FCPI et FCPR et la question du de minimis s’est vue réglée ce printemps.
Je n’étais alors pas d’accord avec la différence de traitement introduite à cette occasion (20 000€ de plafond, 50% de réduction cumulable avec la réduction IRPP pour les fonds) entre direct, indirect holding, d’une part, et intermédié, d’autre part, car je ne la trouvais ni justifiée ni opérationnelle. Je l’ai cependant admise car il s’agissait, en ce temps-là, d’ouvrir la porte…
On peut regretter le temps perdu avec la levée, un peu tardive pour certains, du « de minimis », mais les faits sont là : le renforcement des fonds propres des entreprises qui leur permettra de mettre en place leurs projets de développement est possible via l’ISF.
Une utilisation indigne de la loi
Au départ, la holding nous paraissait nécessaire pour permettre aux business angels d’agir ensemble, sans passer par la formule fonds d’investissement beaucoup plus lourde.
Le mécanisme était assez complexe et ne nous paraissait pas devoir être fortement développé ; c’était sans compter sur la créativité de quelques gestionnaires financiers, peu préoccupés de l’intérêt général.
Car il y avait bien un intérêt général à la mesure : pour le contribuable, il s’agissait de remplacer le paiement d’un impôt considéré comme injuste par une participation à la dynamisation de l’économie avec, éventuellement, un espoir de retour. Pour les entreprises, c’était la possibilité de réaliser des projets de développement impliquant un renforcement de leurs fonds propres.
Seulement voilà, quelques gestionnaires peu scrupuleux, après avoir tout fait pour retarder l’opérabilité de la loi, ont tout fait pour la détourner de son objet.
On a ainsi vu fleurir des holdings bénéficiant du maximum d’avantages : 75% de défiscalisation et plafond à 50 000€, sans aucune contrainte de risque lié au type d’investissement réalisé (à mettre en regard avec les quotas obligatoires de 20% ou 40% d’entreprises de moins de 5 ans pour l’intermédiation), et sans aucun rapport avec le financement en fonds propres de sociétés.
La technique de leurs opérateurs consiste, non pas à utiliser la holding pour investir dans des PME existantes ou en création, mais à y recourir comme moyen de collecter des fonds. Sont ensuite créées des kyrielles de SARL ad hoc dans lesquelles 100% des montants levés par la holding sont investis, qui ont pour objet social de louer des biens corporels ou incorporels à des PME et qui versent des commissions de gestion à la holding. Il est bien précisé aux investisseurs qu’au terme du délai fiscal de conservation, les actifs seront cédés par ces SARL qui seront absorbées par la holding qui sera ensuite elle-même dissoute.
La même logique anime d’autres montages où le capital des sociétés créées par la holding est uniquement investi pour acquérir des biens immobiliers à caractère patrimonial en vue d’un pur investissement de rendement.
Les sociétés gestionnaires, qui sont une, deux, trois, voire plus, doivent savoir qu’elles s’aventurent sur une voie qui n’est pas la bonne. J’ai saisi Bercy de ce que je considère comme un détournement susceptible de nuire à l’ensemble du dispositif en le décrédibilisant. J’espère que ces sociétés feront l’objet d’une requalification fiscale qui, malheureusement, se retournera contre des citoyens qui n’auront eu que le tort de faire confiance à ces gestionnaires, lesquels ne méritent pas leur appartenance à l’AFIC (Association Française des Investisseurs en Capital).
Modifier la loi pour plus d’efficacité
Pour éviter ces dérives, je proposerai, pour l’année prochaine, une modification de la loi afin d’unifier les avantages fiscaux, quelle que soit la formule utilisée : même pourcentage de réduction (75%), même plafond (50 000€) et possibilité de placer 10 000€ supplémentaires dans les fondations afin qu’elles puissent financer la preuve du concept des projets de recherche.
La reconquête du commerce extérieur, la création d’emplois dépendent de la capacité des entreprises à émerger, à se développer et à gagner des parts de marché. Pour cela, elles doivent investir et innover. L’utilisation de l’ISF à cette fin me parait une bonne opération pour notre pays, pour nos entreprises, pour les contribuables, fiers de l’utilisation de leur argent, cela mérite qu’on ne laisse pas dévoyer l’esprit de la loi.
Philippe Adnot