un nouvel espoir pour les pme

La crise a tout changé. L’an dernier, les mesures de la loi Tepa ont apporté plus de 1 milliard d’euros aux PME. Aujourd'hui, les investissements ISF semblent en passe de devenir leur principale source de capital. Mais pour vous, le moment est-il bien choisi pour investir ? Comment se garder des excès et des risques, parfois très élevés ? Ce blog, seul journal Web indépendant sur le sujet, veut vous aider à y voir clair.

jeudi 2 juillet 2009

Les premiers résultats de la collecte ISF : quelques clefs de lecture, une analyse


Peu avant le 15 juin, j’ai effectué en avant-première une étude sur la collecte ISF qui a été publiée par
Capital Finance et reprise le 19 juin, dans ses grandes lignes, par Les Echos. Ces chiffres restent préliminaires. Il faudra attendre les recensements de l’Afic et du ministère du Budget pour avoir des chiffres exhaustifs. Mais ils témoignent des grandes tendances du marché.


Un Eldorado ? où ça ? La collecte ISF est restée à peu près stable en 2009 par rapport à 2008. Cela ne tient pas compte de l’investissement direct, environ la moitié du 1,2 milliard d’euros mobilisé l’an dernier. L’enquête préliminaire que j’ai pu effectuer recense environ 630 millions d’euros levés par 37 gérants de FIP, FCPI, 34 créateurs de holdings et 3 organismes présentant des PME à des souscripteurs. Soit 71 sociétés financières au total, qui avaient réuni 658 millions d’euros en 2008. Une différence de 4% qui peut largement être compensée par les levées de dernière minute, après mon enquête. La somme globale perçue par les PME pourrait même s’avérer en hausse, une fois que Bercy aura décompté les investissements directs.
Le succès de la mesure n’est donc pas en cause, mais la structure future du marché reste en suspens. La baisse de la collecte concerne principalement les sommes recueillies par les investisseurs financiers (cf. graphique). Ils proposaient aux souscripteurs deux fois plus de FIP et de FCPI, et dix fois plus de holdings. Forts d’un avantage fiscal de 75% contre 30% à 35% pour les FIP et les FCPI, ces derniers ont tout naturellement pris une part de la place des fonds : ils doublent d’importance, à plus de 230 millions d’euros. On peut estimer que leur collecte totale s'établit sans doute à 240M€—250M€. En revanche, les FCPI régressent (-18% à 136 M€) et les FIP s’écroulent (-34% à 237 M€). L’incertitude réglementaire et fiscale n’a donc pas découragé les souscripteurs : au contraire, les holdings ISF ont d’autant mieux tiré leur épingle du jeu qu’elles proposaient de cumuler les avantages fiscaux, par exemple en investissant dans des parcs photovoltaïques.
Le marché des holdings s’est pourtant révélé très ardu pour les nouveaux entrants: plus de la moitié des sommes collectées a été reçue par des gérants agréés par l’AMF qui disposent par ailleurs de FIP et de FCPI. Si l’on y ajoute les sociétés présentes dès 2008, comme Audacia et Finaréa, on obtient quasiment 90% de la collecte : personne, parmi la quinzaine de nouveaux opérateurs de 2009, n’a levé plus de 3 millions d’euros. Cela a laissé de nombreuses sociétés à court. Les holdings sont en effet contraintes de promettre de l’argent qu’ils n’ont pas : le processus de sélection des sociétés s’est étendu, grosso modo, de février à avril, avant la collecte qui a mobilisé les créateurs en mai.



Un signe d’avenir : les PME intermédiées



Un phénomène nouveau est apparu: des sociétés financières se sont mises à présenter des PME directement aux assujettis ISF. Notre étude recense environ 24 M€ ainsi levés, mais cela sous-estime certainement la réalité du terrain (*). Le principal intervenant, Arkeon Finance, avait misé lourdement sur l’investissement direct par les épargnants dans les PME. Il s’est déclaré déçu de la réponse du marché, mais il a tout de même collecté environ 20 millions d’euros: bien plus que la moyenne des fonds ISF! Or, les holdings ISF sont désormais bridées, avec un maximum de 50 actionnaires et diverses autres contraintes. Si la loi ne change pas, tous ceux qui se sont faits une spécialité des holdings ISF pourront suivre leur exemple et proposer aux souscripteurs une sélection de PME avec lesquelles ils auront passé des accords. Audacia, qui a réuni de manière expérimentale 2,3 millions d’euros de cette manière, semble déterminée à faire de «l’intermédiation directe» son cheval de bataille. La Financière de fonds privés (FFP) a réuni, de même, 2,6 millions d'euros auprès de 90 souscripteurs. Des chiffres qui pourront devenir bien plus importants l'an prochain.
Cela correspond, bien sûr, à un glissement du métier d’investisseur vers celui de distributeur: d’ores et déjà, certains placeurs, CIF et CGP, qui ne pouvaient plus proposer de holdings début juin, ont proposé à leurs clients d’investir directement dans des PME. S’il faut prendre un pari pour la collecte ISF 2010, alors gageons que chaque CGP qui se respecte aura au moins une ou deux PME à conseiller à ses clients, en plus des intervenants nationaux qui, comme Arkeon cette année, proposeront une palette de plusieurs dizaines de PME.
Cette « désintermédiation » n’ira pas sans danger. Dans un holding ou un FIP/FCPI, le risque que représente chaque investissement est mutualisé : chaque entreprise représente au maximum 10 % du fonds, souvent 5 %. De plus, l’importance des sommes en jeu justifie des audits approfondis et le travail de professionnels, qui tentent de négocier les meilleurs prix et de faire jouer leurs réseaux pour favoriser le retour sur investissement. Rien de tout cela n’est possible dans le cadre de l’investissement direct. En outre, la passivité de l’AMF décuplera, si elle perdure, le risque que se créent des projets ad hoc, entraînant la dérive qui a réduit ou même détruit l'utilité économique d'autres lois de défiscalisation.
Il faudra donc, l’an prochain, s’armer des plus grandes précautions. La loi Tepa pourrait bien finir comme la loi Pons, à financer d’ingénieuses cathédrales dans le désert bâties par des experts en défiscalisation et sans réalité économique.
J.R.

(*) La marge d'erreur pour les FIP-FCPI est faible: cette population stable, bien connue, déterminée par l'agrément AMF, a entièrement répondu à l'enquête que j'ai menée pour Capital Finance. Les chiffres annoncés peuvent souffrir de deux biais. A quelques jours ou quelques heures de la clôture de la collecte, ils peuvent être encore sous-estimés (en général, de 2% à 5%). Une tendance chez certains à arrondir libéralement à l'unité supérieure tend cependant à compenser ce biais.
Cela s'applique également aux holdings visées par l'AMF et pouvant ainsi faire appel public à l'épargne. En revanche, la population des holdings sans visa AMF et des "PME intermédiées" est beaucoup plus vaste et fluide. Dans le cas des holdings, l'absence de visa réduit considérablement les capacités de collecte, car elle interdit l'appel public à l'épargne. On peut donc raisonnablement estimer que le chiffre auquel l'étude arrive, 233,5 M€, sous-estime le montant total de 10% au plus.
En revanche, seul le ministère du Budget dispose des outils pour suivre les PME ayant reçu un investissement direct. Nous nous sommes limités à suivre les opérateurs financiers proposant des PME qu'ils avaient sélectionnées: au moment de l'enquête, j'avais recensé 23,8M€ investis. Mais ce montant sous-estime certainement la réalité, d'une marge importante. L'an dernier, l'investissement direct dans des PME a frôlé les 500 millions d'euros. Une manne pour tous les CGP qui s'outilleront pour présenter des cibles.

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